Évidemment j’ai une boule dans le ventre, évidemment je suis éminemment déçu des résultats
des élections de ce Black Sunday pour Écolo. Après avoir pris le temps (remise
du bulletin à l’école pour le dernier TJ avant la session d’examens oblige) et
un peu de recul pour analyser le plus sereinement possible cette débâcle, j’ai
une triple gueule de bois, un sentiment d’injustice mais aussi un sentiment de
révolte.
Une triple
gueule de bois
1. Élections
régionales
D’abord
au niveau des élections régionales : Écolo passe de 18% à 8% en Wallonie ,
de 14% à 6% dans notre arrondissement de Thuin. Cela contraste singulièrement
avec le ressenti que l’on avait pendant la campagne. J’ai vraiment l’impression
que nous avons mené une bonne campagne. Nous avons arpenté les marchés du nord
au sud de l’arrondissement, nous étions toujours en groupe assez imposant, nous
étions les premiers avant Pâques à
Morlanwez et à Thuin. C’était une première pour moi d’aller faire les marchés à
Morlanwez, Binche, Thuin, Beaumont, Rance, Chimay,… Alors que j’avais une certaine appréhension au
départ, j’ai été agréablement étonné par l’accueil positif des citoyens. Très
peu d’agressivité, très peu d’allusions aux deux dossiers qui ont pollué la
campagne dans les débats et les média (on y reviendra plus tard)… Des gens préoccupés par la qualité de
leur alimentation, par leur pension, par le peu de perspective d’emploi pour
leurs enfants, par le coût de leur cuve à mazout, …
Nous
avons organisé deux conférences de presse pour présenter la liste, des
conférences-débats sur l’Europe à Chimay et à Anderlues, sur l’énergie à Thuin
et à Binche, sur la santé à Lobbes,…
Nous
avons accueilli dans nos contrées reculées des pointures d’Ecolo comme Emily
Hoyos, Philippe Lamberts , Jean-Marc Nollet, Juliette Boulet et Jean-Michel
Javaux… La campagne – même si ça paraît peut être bateau et si on entend la
chanson répétée par tous les candidats, même quand on sait pertinemment bien
que ce n’est pas du tout la réalité – s’est déroulée dans un excellent esprit collectif.
Il y a quelque chose qui s’est passé sur le plan humain entre les membres de
l’équipe : candidats régionaux et fédéraux, permanents, secrétaires
régionaux et militants. Et cela personne ne pourra ne nous l’enlever.
Pour
ma part, je crois avoir donné tout ce que je pouvais, dans les limites de mon
temps et de mes capacités physiques, de réunions en conférences, d’interviews
en marchés, et de communications en débats (Régiopoly, Télésambre, MOC, ... ) Les nombreux témoignages de
sympathie et de soutien
reçus en interne et en externe m’ont porté jusqu’au
dernier débat à Antenne Centre jeudi passé. Les sondages étaient mauvais, on
s’attendait à une décrue mais pas de cette ampleur. Alors, oui, j’ai la gueule
de bois quand après une campagne de cette qualité-là, on se prend une telle
dégelée.
Ma
déception n’est pas personnelle – je ne me battais pas pour obtenir un siège- elle est collective. Je suis déçu de voir Ecolo s’écraser dans notre arrondissement et dans la Wallonie parce que je
crois viscéralement aux valeurs défendues par mon parti. Écolo ne rempilera
probablement pas au sein d’un Olivier plombé par sa défaite cuisante et ça c’est
dommage pour les citoyens pour tout ce qu’Écolo pouvait initier en termes d'éthique et de gouvernance (p. ex. le décumul qu'ils vont s'empresser de supprimer, la diminution des conseillers provinciaux...), d’énergies
renouvelables, de mobilité douce, de qualité de l’alimentation, de circuits
courts, de relocalisation de l’économie, de tourisme vert et intégré, de transition
vers une agriculture moins intensive et plus respectueuse de notre environnement,
…
Allez, un
peu de baume au cœur : il y a quelques petits motifs de satisfaction quand
même au niveau local. Mon score personnel est de 1134 voix de préférence sur l’arrondissement
(c’est mieux qu’en 2009 alors que la liste s’écrase et perd 8.24%, soit plus de
7000 voix). Je récolte 499 voix de
préférence sur le canton de Chimay où on limite la casse en restant au-dessus
de 10% (merci Marine et Paul !), et enfin 223 voix de préférence sur Momignies où
Ecolo devient le troisième parti quelques années après la naissance de la
locale…. Voilà quelques signaux encourageants qui démontrent que nous sommes parvenus depuis quelques années à ancrer Ecolo au sud
de la Botte… mais c’est une bien maigre consolation par rapport à la débâcle
collective.
2.
Elections
fédérales
Au
niveau de la Belgique, ensuite. A la Chambre Ecolo passe de 4.80 à 3.30. Dans
le Hainaut de 9.41 à 5.89. Juliette Boulet perd son siège. Et quand je vois la
poussée de la NVA au nord du pays après la vidéo tragico-burlesque de Bart De Wever
la dernière semaine de campagne, je suis perplexe et dépité. La Belgique va
devenir de plus en plus difficile à gouverner. Ceci dit, relativisons un
peu : la NVA augmente et s’affirme comme le premier parti de Flandre mais
elle a absorbé les voix de l’extrême droite séparatiste du Vlaams Belang et de
la Lijst Dedecker. De Wever a raté son pari et le rendez-vous qu’il avait
lui-même fixé avec l’histoire de la Flandre : la NVA n’est pas
incontournable ni au fédéral, ni en Flandre. Il a la main mais il devra faire
des compromis ou il se mettra hors-jeu !
3.
Elections
européennes
En
Europe enfin, la poussée annoncée des partis extrémistes europhobes et
eurosceptiques me glace d’effroi et me remplit de colère. Marine Le Pen – la
fille de celui qui il y a peu ironisait sur les chambres à gaz, « détail
de la seconde guerre mondiale » et se permettait des jeux de mots
nauséabonds comme « Durafour crématoire » – Marine Le Pen est à la
tête du parti qui sort numéro un des urnes en France. J’ai la honte pour mes
voisins. Nom de ... Français, démocrates, réveillez-vous! Ne laissez pas la gangrène brune
ronger ce pays qu’on considérait jadis comme terre de libertés et comme phare
de la défense des droits de l’homme… La conférence de presse de Mélanchon dimanche
soir m’a émue. Comme lui, j'ai le cœur qui saigne. N’oublions jamais que la république de Weimar a accouché d’un
petit caporal de Rhénanie élu démocratiquement à la tête de l’Allemagne dans
les années 30… Le bruit des bottes des néo-nazis de tous poils est parfois moins inquiétant que le silence assourdissant des pantouflards abstentionnistes.
Pourquoi ?
Enfin,
après le temps de la désillusion vient celui de l’analyse. Il nous faut nous
remettre en question et se demander pourquoi plus de la moitié de nos électeurs
se sont détournés de nous. Pourquoi nos valeurs auxquelles nous croyons
viscéralement n’ont pas été perçues comme des solutions crédibles, comme des
réponses aux angoisses des gens déboussolés par une succession de crises et par
une perte de repères et de valeurs… C’est un travail qu’on doit mener en
interne avant de retourner sur le terrain associatif à la rencontre des gens
pour continuer.
On
peut déjà pointer quelques tentatives d’explication (en restant un modeste
observateur et sans vouloir jouer au politologue, je laisse aux experts toute la
finesse de leurs analyses fouillées).
D’abord
on peut remarquer que le citoyen n’a pas
fait de différences significatives entre les trois scrutins. Ecolo qui
était au pouvoir en Wallonie et dans l’opposition au fédéral a été sanctionné
de la même façon. Les enjeux européens ont été à mon sens totalement absents de
l’attention médiatique et des interpellations des citoyens que nous avons
rencontrés. Et pourtant, c’est là que des décisions ultra importantes vont être
prises et ces décisions vont impacter directement notre vie quotidienne. La
prochaine ratification ou pas du Traité Transatlantique par exemple n’a pas
fait l’objet de discussions claires sur les plateaux, et c’est bien dommage. J’aurais
voulu voir Philippe Lamberts en découdre avec Louis Michel en prime time et entendre les partis traditionnels se positionner clairement et s'engager à refuser sa ratification.
Deuxièmement,
si on se replace dans le contexte
des élections de 2009 qui avaient vu une forte poussée d’Ecolo, force est de
constater que le contexte était radicalement différent. En 2009, on était dans
la foulée des prix Nobel de Al Gore pour son film ‘Une Vérité qui Dérange’ et
du GIEC pour leurs travaux. En France, Nicolas Hulot avait lancé en 2007 son
pacte écologique. Le réchauffement climatique, la perte de biodiversité, les
enjeux environnementaux étaient au cœur de l’attention médiatique et des
préoccupations citoyennes. Ces élections 2014 se sont déroulées dans un
contexte de crises économiques et sociales répétées et les enjeux et les
préoccupations étaient surtout socio-économiques. Dans ce contexte, le citoyen
a peut-être tendance à se replier sur lui-même et à se réfugier sur les deux
grands partis qui polarisent l’attention le PS et Le MR. Il attend des réponses
immédiates à ses angoisses, à ses difficultés quotidiennes et c’est difficile
de lui expliquer notre projet de transition écologique de la société, la
complexité de l’interaction entre le social, l’économique et l’environnemental
et notre vision à long terme des choses. A nous de réexpliquer qu’il n’y aura
pas de redéploiement économique sur un désert écologique, que plus on retarde
nos choix énergétiques plus les conséquences seront coûteuses surtout pour les
plus précarisés et qu’elles plomberont l’économie, … D’autant plus que si le
réchauffement climatique était étrangement absent des débats durant cette
campagne, il pourrait s’inviter rapidement à l’agenda et se rappeler violemment
à notre mémoire. Les inondations et les tempêtes qui ont balayées la France, l’Angleterre
et plus récemment la Bosnie sont là pour nous le rappeler.
Troisièmement,
il faut sans doute admettre que certains électeurs nous ont quitté parce qu’ils
étaient opposés à un projet local de parc éolien ou parce qu’ils étaient
irrités par des modifications pour les panneaux photovoltaïques. Et pourtant…
le cadre éolien que le gouvernement allait mettre en place était extrêmement
protecteur envers le citoyen, il lui permettait de rentrer dans l’actionnariat
des projets et l’idée de raisonner objectivement en prenant pour échelle des
lots de territoire wallon plutôt que le principe du premier arrivé, premier
servi étaient des avancées positives. Et puis tout le monde admet qu’il faut
passer au renouvelable mais personne ne veut d’éoliennes dans son horizon. Est-ce
soutenable et responsable ? Quant au fameux dossier photovoltaïque que
certains ont largement utilisé pour clouer Jean-Marc Nollet au pilori, il faut quand
même reconnaître que le gouvernement a hérité d’un plan Solwatt qui avait créé
une bulle insoutenable. Il a bien fallu réagir et corriger le tir pour éviter
que la collectivité ne doive couvrir des rendements plantureux pour une
minorité. Mais encore une fois, l’attention accordée à ces deux dossiers par les citoyens rencontrés pendant la campagne m’a
semblé inversement proportionnelle à la place accordée dans les média et les débats
(revoir mon débat sur Antenne Centre).
Quatrièmement,
une partie de notre électorat s’est sans doute radicalisée et est partie au PTB qui libre de toute participation à
une coalition pouvait crier plus haut et plus fort son refus des dérives d’un
système capitaliste et des politiques d’austérité européenne pendant qu’on essayait de justifier un grand
écart inconfortable par rapport à la signature au régional et à la non
signature au fédéral du Pacte Budgétaire Européen (ou TCSG). Mais pourquoi
alors les partis comme le PS et le Cdh qui avaient ratifié le traité dans les
deux assemblées n’ont-ils pas (ou moins) été sanctionnés ?
Enfin,
à l’échelle de notre arrondissement de Thuin, force est de constater que nous
ne boxons pas dans la même catégorie
que nos adversaires. Je suis conseiller communal dans l’opposition à Momignies
et j’avais devant moi comme têtes de listes trois bourgmestres dont un ministre
et un député. Quand on parcourt notre arrondissement et que l’on voit le nombre
incroyable de giga panneaux MR dans tous les champs, quand je croise la
camionnette « Denis Ducarme » qui sillonne nos vertes contrées avec son
chauffeur et une équipe de colleurs, on se demande quand même combien coûte la
campagne en moyens financiers et humains… Quand la dernière semaine de
campagne, à la boulangerie du village, je croise Ingrid Colicis (ex-échevine PS
à Charleroi) et une de ses collègues qui travaillent toutes deux au cabinet
Furlan et qui sont en train de faire du porte à porte dans la cité de
Momignies, je me dis que je n’ai pas la chance d’avoir une quarantaine de
collaborateurs pour arpenter les maisons de l’arrondissement, sans parler de la
force de mobilisation des militants des communes du Nord (Morlanwez, Binche, Anderlues)
où le PS fait presque 50%... Ceci dit, on y va avec nos moyens limités mais
avec tout notre cœur, nos tripes et nos convictions…
On
peut certainement encore trouver d’autres raisons pour expliquer ce ressac mais
ça fera l’objet de débriefings en locale à Momignies, en régionale à Thuin et à
Namur… mais quelles que soient les raisons, je trouve cette sanction injuste et
disproportionnée. Je m’incline devant le résultat des urnes, l’électeur a
toujours raison mais mon sentiment d’injustice et ma colère me motivent pour
rebondir et reconstruire.
Et après ?
Je
m’en voudrais de ne pas terminer sur un message d’espoir. Je suis quelqu’un de
nature optimiste. je veux garder foi en l’avenir en notre jeunesse et cette
défaite n’entame en rien mes convictions écologiques, mon attachement à Ecolo et
ma volonté de porter nos valeurs et de faire évoluer notre société vers un
monde plus juste, plus solidaire, plus vert. Il y a dans cette campagne des
ferments qui un jour germeront et qui nous promettent des lendemains plus
rieurs. A titre personnel, ce fut une expérience extraordinaire que je suis
très content d’avoir vécue, un challenge à relever dont je sors en me sentant
plus fort. Collectivement, à nous de tirer les enseignements de cette campagne
pour rebondir et repartir de l’avant !
Keep
on fighting ! The future will be green !
Merci
Je
voudrais sincèrement remercier une foule de gens et je sais que j’en oublie, n’en
prenez pas ombrage…
D’abord
ma famille : Ingrid, mon épouse, Mathilde et Charlotte mes deux filles qui
ont supporté mes absences, mes stress, mes insomnies, ma fatigue et Thomas mon
fils, en Ersamus en Hollande et qui de là-bas a suivi ma campagne sur le Net,
qui débriefait mes débats, m’envoyait régulièrement des mots d’encouragement. Ma
Maman, militante extraordinaire, Thierry, Anne, Christine et Christian, Cécile et Vincent, François et Anne-Pascale, mes
frères et sœurs et beaufs, pour vos coups de fil, vos mails, vos encouragements, votre soutien.
Eliane,
Antoine, Pauline, Camille, Chloé, Luc, William et Marie-Jo, Amandine, Gaëlle, Arnaud, Olga, Rein,
René, Jean-Marie, Olivier, Delphine, Julie, Nicolas, Thibaut, Sylvie, Manu, ma
belle-mère préférée, mes beaufs, mes cousins, mon parrain, mon filleul, mijn
neven en nichten, … pour vos
félicitations, vos « like », vos mots gentils, vos encouragements,…
Ensuite
mes colistiers, les candidats régionaux, les SR, les permanents, les
conférenciers, toute l’équipe de la campagne : Marine, Eddy, Michaël,
Frédérique, Paul et Aurore. Nino, José, Christian, Francis, Catherine, Gérard, Hélène.
Les membres de la locale et de la régionale qui se sont mobilisés pour coller
des affiches, faire du porte à porte, arpenter les marchés, organiser des
événements, m’encourager, covoiturer, : Christian, Michaël, Walter, Arnaud,
Christine, Cécile, Claude, Alain, Thierry, Eric, Christian, Karl, Eddy,
Jean-Paul, Juliette, Saskia, Jean-Marc, Philippe, …Plus toutes les personnes ressources
qui m’ont aidé dans la préparation de mes débats, qui ont répondu à mes messages Help : Michaël, Marie-Bruno, Paul,
Thierry, Alain, Jean-Marc, Nicole, Bénédicte, Isabelle, Xavier, Charlotte, José,
François, Diane, Étienne... (j'en oublie certainement, désolé) sans oublier mon
"chauffeur-bodyguard-secrétaire" personnel : Jean-Pierre. Cette campagne à vos
côtés fut extraordinaire.
Mes
collègues et la direction de mon école qui ont réservé un accueil formidable d’ouverture
d’esprit et de chaleur humaine à ma campagne. Merci pour votre humour, votre
sympathie, nos discussions enflammées à la pause-café ou à midi, …
Mes
élèves pour leur patience et leur compréhension (âââh, les piles de correction
en retard…).
Les
amis de toujours, François et Pierre, les copains de Momignies, les copains du
foot et de la région, (y compris des militants d’autres partis, non, non, je ne
vais pas les citer, n’ayez pas peur) les contacts Facebook (dont Jean-Marc mon plus
ardent supporter), mes anciens élèves et tous les autres,… merci pour votre
intérêt, vos partages, vos ‘like’, vos questions, vos témoignages de sympathie,
vos petits gestes complices, …
A
bientôt pour de nouvelles aventures !